Vos droits au travail
La Loi sur l'équité salariale

La Loi sur l’équité salariale (LÉS) vise à corriger les écarts salariaux causés par la discrimination systémique fondée sur le sexe subie par les personnes qui occupent des emplois à prédominance féminine, c'est-à-dire majoritairement occupés par des femmes. Contrairement à l’égalité salariale, qui compare des pommes avec des pommes (par exemple: le salaire d’une femme secrétaire avec celui d’un homme secrétaire), l’équité salariale compare des pommes avec des oranges (par exemple: le salaire d’une femme secrétaire avec celui d’un homme mécanicien) afin d’éliminer les préjugés sexistes et de reconnaître le travail associé aux femmes à sa juste valeur. La LÉS est une loi d’ordre public: on ne peut donc pas se soustraire à son application ou convenir de conditions qui seraient moins avantageuses.

La LÉS s’applique aux entreprises de juridiction provinciale du secteur privé, public ou parapublic qui comptent au moins une moyenne de dix personnes à leur emploi pendant une année civile, qu’elles soient syndiquées ou non. Bien que cette loi ne s’applique pas aux entreprises de compétence fédérale (banques, communications, transport aérien, ferroviaire et maritime, etc.), elle s’applique cependant aux caisses populaires, qui sont de compétence provinciale (voir « Les lois fédérales »).

Même si la LÉS ne s’applique pas aux très petites entreprises comptant moins de 10 personnes salariées, ces entreprises doivent tout de même respecter l’équité salariale prévue à l’article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit un salaire égal aux personnes effectuant un travail équivalent (voir le chapitre III: « Les droits et libertés de la personne »). Les personnes qui travaillent dans ces très petites entreprises et qui s'estiment victimes de discrimination salariale peuvent donc quand même déposer une plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

La LÉS définit une personne salariée comme étant une personne physique qui exécute un travail moyennant rémunération sous la direction et le contrôle d’un employeur. Une telle personne est considérée salariée, peu importe son statut d’emploi (temps plein, temps partiel, régulier, temporaire, occasionnel, sur appel, saisonnier, etc.). Cependant, la LÉS stipule que les personnes suivantes ne sont pas des personnes salariées et qu'elles sont donc exclues de son application (art. 8 et 9):

  • l'étudiant.e qui, en vertu d’un programme intégrant l’expérience pratique à la formation théorique reconnu par le gouvernement du Québec, travaille durant l'année scolaire dans un établissement choisi par son institution d'enseignement, ou la personne qui travaille dans l'institution d'enseignement où elle étudie, dans un domaine relié à son champ d'études;
  • l'étudiant.e qui travaille durant ses vacances;
  • les stagiaires dans un cadre de formation professionnelle reconnu par la loi;
  • la personne qui réalise une activité dans le cadre d'une mesure ou d'un programme d'aide à l'emploi établi.e en application du titre I de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, et à l'égard de qui les dispositions relatives au salaire minimum prévues à la Loi sur les normes du travail ne s'appliquent pas;
  • la personne ayant le statut de « cadre supérieur » (personne qui possède un statut hiérarchique élevé, détient une autorité et un pouvoir décisionnel important et participe véritablement aux orientations et aux politiques de l’entreprise);
  • la policière ou le policier;
  • la pompière ou le pompier;
  • la travailleuse ou le travailleur autonome (personne physique qui fait affaire pour son propre compte, seule ou en société, et qui n’a aucune personne salariée à son emploi), sauf dans certaines circonstances.

La LÉS prévoit qu’un exercice de comparaison doit être effectué entre toutes les catégories d’emplois « féminins » et « masculins » au sein d’une même entreprise. Ces emplois peuvent être différents, mais ils doivent être de valeur équivalente. Les entreprises qui n’ont pas d’emplois à prédominance masculine doivent aussi faire l’exercice d’équité salariale (art. 13).

Quatre critères, ayant tous le même poids, sont utilisés pour déterminer si une catégorie d’emplois est considérée à prédominance féminine ou masculine. Il faut alors vérifier:

  • si 60 % des personnes qui occupent ces emplois sont du même sexe;
  • l’évolution historique de la représentation féminine et masculine de ces emplois dans l’entreprise;
  • si cette catégorie d’emplois est généralement associée à des stéréotypes occupationnels (réceptionniste, chauffeur de camion, etc.);
  • si l’écart entre le taux de représentation des femmes ou des hommes dans la catégorie d’emplois et le taux de représentation dans l’effectif total de l’employeur est jugé significatif.

Si l’étude de tous ces critères ne permet pas de trancher, il faut alors se demander quel sexe est le plus susceptible d’avoir influencé le taux de salaire de cette catégorie d’emplois.

Une démarche en équité salariale doit, à partir d'une grille d'évaluation non sexiste, évaluer les emplois selon les qualifications requises, les responsabilités assumées, l'effort physique et mental nécessaire et les conditions dans lesquelles le travail est effectué. Cet exercice a pour but d'accorder une valeur (selon un système de points) aux emplois à prédominance féminine et masculine, ce qui permet par la suite de comparer les salaires accordés aux emplois de même valeur, même s'il s'agit d'emplois très différents. Par exemple, on peut comparer un emploi de secrétaire avec celui de contremaître, un emploi de commis-comptable avec celui de vendeur de pièces, un emploi de conseillère en ressources humaines avec celui de responsable du marketing, etc.

Après avoir fait cette comparaison, si on découvre que les salaires des catégories d'emplois à prédominance féminine sont inférieurs aux salaires des catégories d'emplois à prédominance masculine, l'employeur devra effectuer des ajustements salariaux au profit des catégories d'emplois à prédominance féminine. Cependant, l'employeur ne pourra pas diminuer les autres salaires pour corriger les écarts salariaux.

Par exemple, après un tel exercice, l’employeur conclut que l’emploi de secrétaire, rémunéré à 15$/heure, et celui de mécanicien, rémunéré à 18$/heure, obtiennent tous les deux 400 points. Par conséquent, le salaire des secrétaires devra être augmenté au même taux horaire que celui des mécaniciens puisqu’ils ont la même valeur.

Une fois atteinte, l’équité salariale doit être maintenue au sein de l’entreprise. Ainsi, l’employeur a l’obligation, après qu’un exercice d’équité salariale ait été complété dans son entreprise, d’évaluer à tous les 5 ans le maintien de l’équité salariale. Il doit s’assurer que les catégories d’emplois à prédominance féminine reçoivent toujours la même rémunération que les catégories d’emplois à prédominance masculine de valeur équivalente. D'ailleurs, l’affichage des résultats de l’évaluation du maintien de l’équité salariale est obligatoire.

L’employeur doit se soumettre à certaines obligations qui varient en fonction de la taille de l’entreprise. La taille s’évalue en fonction du nombre de personnes salariées qui y travaillent. La LÉS prévoit trois catégories d'entreprises:

  • les entreprises de 10 à 49 personnes salariées;
  • les entreprises de 50 à 99 personnes salariées;
  • les entreprises de 100 personnes salariées et plus.

*Attention! Il ne faut pas confondre « entreprise » et « établissement ». Une entreprise peut compter plusieurs établissements.

Taille de l’entrepriseExercice d’équité salarialeComité d’équité salarialeDétermination des ajustements salariauxAffichage des résultatsÉvaluation du maintien
DémarcheProgramme
10 à 49 personnes salariéesXFacultatifFacultatifXXX
50 à 99 personnes salariéesXXFacultatifXXX
100 personnes salariées et plus XXXXX


Source: Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)

Toutes les entreprises qui comptent 10 personnes salariées ou plus doivent donc réaliser un exercice d’équité salariale. Contrairement aux employeurs dont l’entreprise compte 50 personnes salariées et plus, ceux qui emploient de 10 à 49 personnes salariées ne sont pas tenus de réaliser un programme d’équité salariale. Ils doivent tout de même déterminer si des ajustements salariaux sont requis dans leur entreprise. Les entreprises qui comptent plus de 100 personnes salariées doivent, quant à elles, mettre en place un comité d’équité salariale.

L’employeur qui est tenu de former un comité d’équité salariale a des obligations envers les personnes salariées qui en font partie. Il doit mettre sur pied le comité, favoriser la participation des personnes non représentées par un syndicat, offrir une formation et rémunérer les personnes qui en font partie et divulguer aux membres du comité tous les renseignements nécessaires à la réalisation de l’équité salariale. Notez que la moitié des personnes représentant les travailleuses et les travailleurs doivent être des femmes.

Les entreprises qui atteignent une moyenne de dix personnes salariées et plus au cours d’une année civile ont 4 ans pour réaliser un exercice d’équité salariale. Les employeurs qui omettent de remplir leurs obligations peuvent faire l’objet de plaintes et devront potentiellement payer des indemnités additionnelles.

Les personnes salariées peuvent exercer des recours selon certains motifs prévus par la LÉS. Vous pouvez donc porter plainte à la CNESST si:

  • l’employeur n’a pas réalisé son exercice d’équité salariale dans les délais prescrits par la loi;
  • l’exercice d’équité salariale n’est pas conforme à la loi (par exemple: l’employeur n’a pas affiché les résultats de son exercice pour que son personnel en prenne connaissance ou vous constatez la présence de préjugés sexistes dans l’évaluation des emplois);
  • l’employeur n’a pas évalué le maintien de l’équité salariale dans les délais prescrits par la loi;
  • l’évaluation du maintien de l’équité salariale n’est pas conforme à la loi;
  • l’employeur, le syndicat ou un.e membre du comité d’équité salariale a agi de mauvaise foi, de façon arbitraire ou discriminatoire, ou a fait preuve de négligence grave à l’endroit des personnes salariées de l’entreprise dans la réalisation de l’exercice d’équité salariale ou de l’évaluation du maintien de l’équité salariale;
  • vous subissez des représailles pour avoir exercé un droit prévu par la loi;
  • l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne n'est pas respecté (dans le cas, par exemple, des entreprises de moins de 10 personnes salariées).

Si votre ex-employeur ne respecte pas la LÉS, vous pouvez tout de même porter plainte contre lui, même si vous n’êtes plus à son emploi. La CNESST fera alors enquête et déterminera si vous avez droit à un dédommagement.

Vous pouvez communiquer avec la CNESST pour obtenir de l’information concernant les modalités d’application de la loi. On vous expliquera les recours prévus et les délais à respecter pour porter plainte. La CNESST pourra aussi vous aider à préparer votre plainte.

D'ailleurs, assurez-vous de ne pas dépasser les délais pour porter plainte: vous n’avez que 60 jours à partir de la date d’un manquement pour porter plainte pour motif de mauvaise foi. Les délais pour exercer les autres recours sont indiqués ci-dessous.

Les délais pour l'exercice des recours

Délais applicables aux personnes salariées pour porter plainte concernant l’exercice d’équité salariale:

https://www.cnesst.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/delais_plaintes_exercice_0.pdf

Délais applicables aux personnes salariées pour porter plainte concernant l’évaluation du maintien de l’équité salariale:

https://www.cnesst.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/delais_plaintes_maintien_0.pdf

Une fois la plainte déposée, la CNESST vérifie si elle repose sur un des motifs prévus à la loi. Si c’est le cas, elle entreprend une enquête afin de recueillir les faits pertinents à la plainte. Chaque partie peut alors faire valoir son point de vue et soumettre les faits et les documents jugés appropriés au soutien de ses prétentions. La CNESST détermine ensuite si votre plainte est fondée ou non, et elle transmet, à vous et à votre employeur, une copie de cette décision.

Si la plainte est jugée fondée, la CNESST détermine les mesures qui peuvent être prises pour assurer l’atteinte de l’équité salariale. Dans certains cas, la CNESST peut entreprendre des poursuites pénales. Si elle est jugée non fondée, la CNESST ferme votre dossier. Sachez que vous ou votre employeur pouvez faire appel d’une décision de la CNESST en vous adressant au Tribunal administratif du travail (TAT) dans un délai de 90 jours après que la décision ait été rendue.

Notez également que durant le processus, la CNESST peut, dans certains cas, offrir aux parties un service de conciliation. La conciliation vise à favoriser l’atteinte d’un règlement à l’amiable. Il s’agit d’une étape volontaire: les deux parties doivent y consentir pour qu’elle ait lieu.

Plusieurs personnes hésitent à porter plainte contre leur employeur. Sachez que, dans la mesure du possible, la CNESST traitera votre dossier de façon confidentielle. De plus, la LÉS prévoit une protection en cas de représailles de votre employeur.

Une personne salariée qui fournit des renseignements à la CNESST, qui témoigne dans une poursuite ou qui exerce un droit prévu par la LÉS est protégée contre les représailles (art. 107). Elle doit cependant en informer la CNESST dans les 30 jours suivant les représailles de l'employeur. La CNESST peut alors, à la demande de la personne salariée ou de sa propre initiative, s’adresser au TAT pour que des mesures soient prises contre celui ou celle qui a exercé les représailles.

Si la plainte de la personne salariée est fondée, le TAT pourrait ordonner sa réintégration à l'emploi ou toute autre mesure jugée pertinente en vue de réparer les préjudices subis. Il faut également noter que la LÉS prévoit une présomption d'une durée de 6 mois en faveur de la personne salariée qui a déposé une plainte, c’est-à-dire qu’il revient à l’employeur de démontrer que les mesures ont été imposées pour une cause juste et suffisante.

La CNESST peut également intenter une poursuite pénale pour que des amendes soient imposées à celui ou celle qui a exercé les représailles (art. 118): ces amendes varient entre 1 000 $ et 25 000 $ et peuvent doubler en cas de récidive (art. 115).

Lorsque vous portez plainte auprès de la CNESST (et en particulier lorsqu’il s’agit de mauvaise foi ou de représailles), il est important de bien documenter les événements. Cette documentation peut prendre la forme d’une consignation par ordre chronologique de chaque événement qui paraît important, de toute correspondance entre les personnes salariées et l’employeur, de mémos ou d’affichages réalisés dans l’entreprise, etc. Ces informations vous seront utiles pour appuyer vos affirmations et faciliteront le traitement de votre plainte par la CNESST.