Vous croyez être victime de discrimination au travail? Si, comme la très grande majorité des travailleuses et travailleurs québécois, vous travaillez dans une entreprise ou un organisme de compétence provinciale, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (ci-après, la Charte) s’applique à vous. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) est l’organisme gouvernemental qui assure la promotion et le respect des principes de la Charte. Nous voyons ici comment celle-ci s’applique dans le domaine du travail.
Par ailleurs, si vous travaillez dans une entreprise ou un organisme de compétence fédérale, vous pouvez possiblement avoir recours à la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'organisme gouvernemental chargé de faire respecter cette loi se nomme la Commission canadienne des droits de la personne.
1. Les motifs de discrimination
La Charte interdit toute forme de discrimination (art. 10) ou de harcèlement (art. 10.1) basée sur l’un des motifs suivants:
- la race;
- la couleur;
- le sexe;
- la grossesse;
- l’orientation sexuelle;
- l’état civil;
- l’âge, sauf dans la mesure prévue par la loi;
- la religion;
- les convictions politiques;
- la langue;
- l’origine ethnique ou nationale;
- la condition sociale;
- un handicap ou l’utilisation d’un moyen pour y pallier.
Le préambule de la Charte mentionne expressément que les droits et libertés qui y sont énoncés sont garantis également aux femmes et aux hommes. Cela vient affirmer la place que l’égalité entre les femmes et les hommes occupe au rang des valeurs fondamentales de la société québécoise.
*ATTENTION: seuls les motifs de discrimination énumérés ci-haut sont considérés comme illégaux selon la Charte. Cela signifie que si vous subissez du harcèlement ou de la discrimination pour un motif autre que ceux nommés précédemment (par exemple: votre couleur de cheveux), vous ne pourrez pas vous prévaloir de la protection accordée par la Charte.
Toutefois, si vous vivez une telle situation, vous pourrez peut-être vous prévaloir du recours relatif au harcèlement psychologique au travail prévu dans la LNT (voir la section 10 du chapitre I: « Le harcèlement psychologique »).
2. La Charte et le travail
Dans le domaine du travail, plus spécifiquement, la Charte interdit toute forme de discrimination dans:
- les offres d’emploi (art. 11);
- les clauses d’un contrat de travail ou d’une convention collective (art. 13);
- l’embauche (art. 16);
- l’apprentissage (art. 16);
- la durée de la période de probation (art. 16);
- la formation professionnelle (art. 16);
- la promotion (art. 16);
- la mutation (art. 16);
- le déplacement (art. 16);
- la mise à pied (art. 16);
- la suspension (art. 16);
- le renvoi (art. 16);
- les conditions de travail (art. 16);
- l’établissement de catégories ou de classifications d’emploi (art. 16);
- l’admission, la jouissance d’avantages, la suspension ou l’expulsion d’une association de personnes salariées, d’un ordre professionnel ou d’une association de personnes exerçant une même occupation (art. 17).
Explorons maintenant plus en détail certaines de ces situations.
Il est interdit, dans un formulaire de demande d’emploi ou lors d’une entrevue, de demander à une personne des renseignements qui portent sur des motifs discriminatoires, sauf si l’emploi requiert des qualités ou des aptitudes particulières qui justifient de telles questions (art. 18.1). Par exemple, un employeur doit éviter de vous demander si vous êtes enceinte ou de vous poser des questions sur votre intention d’avoir des enfants. Il pourrait toutefois demander à une femme qu’il désire embaucher comme serveuse dans un bar si elle a au moins 18 ans, l’âge requis par la loi pour vendre des boissons alcoolisées.
La Charte prévoit que tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit (art. 19). Vous pouvez porter plainte à la CDPDJ si cette discrimination est basée sur un des motifs énumérés à l’article 10 de la Charte. Par exemple, un employeur n’aurait pas le droit d’accorder des conditions de travail différentes à une personne pour la seule raison qu’elle a immigré récemment au pays. Une différence de traitement ou de salaire fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou les heures supplémentaires n’est pas jugée discriminatoire si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.
Toutefois, c’est la Loi sur l’équité salariale qui vise à corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe. Dans un tel cas, vous devez alors vous adresser à la section équité salariale de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour porter plainte.
Sachez aussi que la Loi sur les normes du travail (et non la Charte) interdit, à certaines conditions, qu’un employeur accorde un taux de salaire inférieur aux personnes salariées qui ne travaillent pas à temps plein, ou qu’il accorde des conditions de travail moins avantageuses à certaines personnes salariées en fonction de leur date d’embauche. À compter du premier janvier 2019, il est également interdit à l’employeur verser un taux de salaire inférieur ou de réduire la durée ou l’indemnité du congé annuel par rapport à ses autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement uniquement en raison du statut d’emploi. (voir la section 2.5 du chapitre I, « Les disparités de traitement »).
Un bureau de placement ne peut exercer de discrimination dans la réception, la classification ou le traitement d’une demande d’emploi ou lorsque cette demande est soumise à des employeurs éventuels (art. 18). Par exemple, un bureau de placement n’aurait pas le droit de refuser votre candidature parce que vous êtes une personne homosexuelle. De même, il serait illégal pour une entreprise cliente de demander à un bureau de placement de lui présenter seulement les dossiers de jeunes femmes blanches célibataires!
Un employeur ne peut refuser d’embaucher, congédier ou autrement pénaliser une personne reconnue coupable d’une infraction pénale ou criminelle, si cette infraction n’a aucun lien avec l’emploi ou si elle en a obtenu le pardon (art. 18.2). Par exemple, si vous avez déjà subi une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies, on ne pourrait pas l’invoquer pour vous refuser un emploi de graphiste, car une telle condamnation n’empêche aucunement d’exercer l’emploi de graphiste.
3. La discrimination
Nous avons vu que la Charte interdit la discrimination en emploi basée sur une série de motifs (sexe, origine ethnique, langue, handicap, etc.). Mais qu’entend-on exactement par discrimination?
Pour qu’il y ait discrimination interdite par la Charte, il faut :
- que des faits, des gestes ou des paroles produisent à votre endroit une distinction, une exclusion ou une préférence;
- que cette distinction, cette exclusion ou cette préférence soit fondée sur l’un des motifs énumérés dans la Charte ;
- que cette distinction, cette exclusion ou cette préférence vous prive de la reconnaissance et de l’exercice de vos droits et libertés en toute égalité.
Il n’est pas nécessaire que la discrimination soit intentionnelle ou volontaire.
La discrimination peut provenir de différentes sources.
Premièrement, la discrimination peut découler d’un traitement différent fondé sur un critère prohibé par la Charte. Par exemple, un employeur refuse de vous embaucher parce que vous êtes autochtone, vous congédie parce qu’il vient d’apprendre que vous êtes enceinte ou vous refuse une promotion parce que vous êtes une personne handicapée. Ce serait aussi le cas d’un employeur qui favoriserait l’embauche des enfants des employées ou employés, puisqu’il s’agit d’une préférence accordée à ces personnes en raison de leur état civil.
Deuxièmement, la discrimination peut aussi découler d’une règle ou d’une pratique en apparence neutre. Même si cette règle ou pratique est appliquée de la même façon à toute personne, elle entraîne un désavantage particulier qui a pour effet d’exclure les membres d’un groupe visé par la Charte. Ce peut être le cas, par exemple, lorsque les normes d’embauche au sein d’une entreprise sont fondées sur un poids et une taille minimums, ce qui a pour résultat d’exclure les femmes. Des horaires de travail qui ont pour effet d’exclure certaines personnes en raison de leurs croyances ou pratiques religieuses pourraient aussi être considérés comme des pratiques discriminatoires.
Si le Tribunal des droits de la personne juge que vous avez été victime de l’un de ces types de discrimination, il pourrait alors faire annuler la norme qualifiée de discriminatoire, ordonner à votre employeur de prendre des mesures raisonnables d’adaptation en faveur des personnes affectées (obligation d’accommodement) ou encore ordonner votre réintégration si les circonstances de l’affaire le demandent.
Troisièmement, la Charte interdit également une forme de discrimination plus généralisée. On la qualifiera de systémique lorsqu’un ensemble de politiques et de pratiques, au sein d’une entreprise, a pour effet d’exclure de façon disproportionnée un groupe de personnes visées par la Charte ou encore d’empêcher sa progression. Si une telle situation de discrimination systémique existe dans votre entreprise, visant par exemple les membres de certaines minorités, la CDPDJ peut recommander qu’un programme d’accès à l’égalité soit instauré en vue d’y remédier. Ce programme peut également être mis en place pour corriger d’autres situations de discrimination parmi celles mentionnées plus haut.
Lorsqu’une pratique ou une politique d’un employeur crée une situation de discrimination pour une personne salariée, l’employeur a une obligation d’accommodement envers cette personne. Toutefois, cette obligation a des limites, c’est pourquoi on parle généralement d’« accommodement raisonnable » : en effet, les adaptations mises en place ne doivent pas imposer de contraintes excessives à l’employeur. Ainsi, chaque fois qu’une personne salariée risque de subir de la discrimination en raison d’un des motifs énumérés dans la Charte, l’employeur doit faire l’équilibre entre les intérêts de son entreprise et le droit à l’égalité de la personne salariée. Ce qui constitue une contrainte excessive varie d’un cas à l’autre et doit être évalué selon une série de critères (par exemple, le coût financier de l’accommodement, les risques pour la personne salariée et pour les autres salariés, etc.). Notez que l’obligation de rechercher un compromis ne s’impose pas seulement à l’employeur mais également au syndicat : celui-ci pourrait donc être appelé à modifier ou assouplir les règles d’une convention collective si cela s’avère nécessaire à la résolution du litige. La personne salariée doit également négocier dans un esprit de compromis et accepter les propositions d’accommodement faites par l’employeur, si elles sont raisonnables.
Oui, mais seulement dans certaines circonstances bien précises.
Tout d’abord, un employeur pourrait tenir compte d’un motif habituellement jugé discriminatoire (sexe, handicap, etc.) dans ses pratiques ou politiques (à l’embauche, dans la promotion, etc.) si les qualités et aptitudes de l’emploi le requièrent (art. 20). L’employeur devra alors démontrer que la pratique ou la politique qui semble discriminatoire a un lien rationnel avec le travail requis, qu’il l’a adoptée en croyant sincèrement qu’elle est une condition essentielle pour effectuer les fonctions du poste et qu’un accommodement est impossible sans qu’il ne subisse une contrainte excessive. On dit alors que la discrimination serait permise en raison d’une « exigence professionnelle justifiée ». Par exemple, un employeur pourrait refuser un emploi de pompier à une personne handicapée ayant une mobilité considérablement réduite, puisqu’il faut être en excellente condition physique pour être capable d’effectuer ces tâches et pour assurer la sécurité du public et de ses collègues.
De plus, dans certains cas, un employeur pourrait vous poser des questions sur des motifs de discrimination prescrits par la Charte. D’une part, ce serait le cas si une loi le requérait. Nous avons donné plus tôt l’exemple où, pour un poste de serveuse dans un bar, un employeur serait justifié de vérifier si vous avez 18 ans et plus, soit l’âge légal pour vendre des boissons alcoolisées. D’autre part, l’employeur pourrait recueillir de tels renseignements s’ils sont utiles à l’application d’un programme d’accès à l’égalité existant au moment de la demande.
Il serait également légal de recueillir ces informations en raison du caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d’une institution sans but lucratif ou vouée exclusivement au bien-être d’un groupe ethnique (art 20). Par exemple, il ne serait pas jugé discriminatoire pour un organisme de défense des droits des personnes handicapées de favoriser l’embauche de personnes ayant un handicap.
Finalement, la Charte autorise, à certaines conditions, la différence de traitement en matière d’avantages sociaux, incluant les régimes de rentes ou de retraite et les régimes d’assurance (vie, accident, salaire, maladie, etc.). Ces régimes peuvent donc tenir compte de l’âge, du sexe, de l’état civil et de l’état de santé (art. 20.1).
4. Le harcèlement
Au travail, la discrimination prend très souvent la forme du harcèlement. Le harcèlement est une conduite discriminatoire qui se manifeste, entre autres, par des paroles, des actes ou des gestes répétés à caractère vexatoire ou méprisant à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, et qui est fondée sur l’un des motifs énumérés dans la Charte (le sexe, la race, l’orientation sexuelle, etc.) (art. 10.1) (voir la section 1 de ce chapitre, « Les motifs de discrimination » ). Le harcèlement se caractérise par le fait qu’il est inacceptable pour la personne qui en est l’objet, étant donné son caractère vexatoire et méprisant, et par le fait qu’il se répète dans le temps, aggravant ainsi ses effets négatifs sur la victime. Dans certaines circonstances, il peut s’agir d’un seul acte grave, telle une agression. Soulignons enfin que la personne qui harcèle peut être un employeur, mais aussi une contremaîtresse ou un contremaître, une ou un collègue de travail, une cliente ou un client, etc.
Quant au harcèlement sexuel, il implique toutes formes d’attentions ou d’avances non désirées, à caractère sexuel, qui provoquent l’inconfort, la crainte, et menacent le bien-être ou l’emploi d’une personne. Il peut se manifester, entre autres, par des remarques désobligeantes, des menaces, des propositions, des blagues, des gestes, des attouchements, des oeillades, et même par de l’affichage de matériel à caractère sexuel.
5. Les gestes à poser en cas de discrimination ou de harcèlement au travail
Si vous faites face à une situation de discrimination ou de harcèlement au travail :
- faites clairement comprendre à la personne qui vous harcèle que sa conduite est inacceptable;
- parlez-en à vos collègues et à votre entourage;
- demandez à votre employeur d’agir afin de faire cesser immédiatement cette situation;
- tenez un journal des événements (lieux, dates, heures, faits, témoins, etc.);
- prenez contact avec un groupe d’appui;
- incitez votre employeur à adopter une politique pour contrer le harcèlement au sein de l’entreprise;
- si la situation se reproduit ou s’il s’agit d’un acte grave, vous devriez porter plainte immédiatement à la CDPDJ, à la fois contre la personne qui vous harcèle et contre votre employeur.
6. Les recours en cas de discrimination et de harcèlement : la plainte fondée sur la charte
Plusieurs recours sont ouverts aux victimes de discrimination ou de harcèlement basé sur un des motifs énumérés dans la Charte.
Toute personne victime de discrimination injustifiée ou de harcèlement pour l’un des motifs prévus dans la Charte peut porter plainte à la CDPDJ. S’il n’y a pas de règlement à cette étape, la CDPDJ peut décider de saisir le Tribunal des droits de la personne du litige. Ce Tribunal peut aussi se prononcer sur des programmes d’accès à l’égalité, ainsi que sur des cas d’exploitation de personnes âgées ou handicapées.
Une personne qui est victime de discrimination peut également s’adresser aux tribunaux de droit commun (Cour du Québec ou Cour supérieure). Elle peut ainsi obtenir une compensation financière pour les dommages subis ou une ordonnance pour faire cesser la discrimination. Pour ce faire, il faut toutefois intenter des procédures judiciaires qui s’avéreront plus longues et plus coûteuses. Pour en savoir davantage sur ce recours, consultez une avocate ou un avocat.
Sachez également que d’autres tribunaux, le Tribunal administratif du travail par exemple, peuvent aussi parfois appliquer la Charte. Nous en avons vu des exemples dans le chapitre I : dans la sous-section 4.3 D) sur la protection contre des représailles ou de la discrimination suite à un congé de maladie (handicap), dans la sous-section 11.4 A) sur les pratiques interdites (grossesse, âge, handicap) et dans la section 10 portant sur le harcèlement psychologique.
Dans cette section, nous ne nous concentrerons toutefois que sur le traitement des plaintes déposées à la CDPDJ.
Cette plainte doit être faite par écrit, mais la CDPDJ peut aider la personne à la rédiger et lui donner toutes les informations nécessaires. Un organisme, tel un groupe d’appui, peut aussi porter plainte au nom de la personne avec son consentement écrit (art. 74).
Il est toujours préférable de porter plainte le plus rapidement possible. La preuve de faits récents est en effet toujours plus facile à apporter. De plus, la CDPDJ peut refuser d’agir si votre plainte est déposée plus de 2 ans après les derniers faits dont vous vous plaignez (art. 77). Elle peut aussi refuser de recevoir ou de poursuivre votre plainte si elle la considère frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi, si elle considère que vous n’avez pas un intérêt suffisant à la formuler, ou si vous avez déjà exercé un autre recours en vertu d’une autre loi pour la même situation. Lorsque la CDPDJ refuse ou cesse d’agir, elle doit vous transmettre les motifs de sa décision par écrit. Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision de la CDPDJ, communiquez avec un groupe d’appui.
**Attention! Si vous pensez pouvoir exercer plusieurs recours en vertu de différentes lois pour le même problème, vous devriez déposer toutes les plaintes pertinentes en respectant les délais propres à chacune d’elles. N’hésitez donc pas à déposer une plainte à la CDPDJ, même si vous avez déjà exercé un recours à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail ou devant une autre instance (voir à ce sujet la section 4 du chapitre V « Le dépôt d’une plainte auprès d’un organisme gouvernemental »). Vous pourriez cependant devoir choisir, plus tard, quels recours vous entendez exercer. En effet, certains organismes, dont la CDPDJ, peuvent refuser d’agir si vous exercez des recours prévus dans d’autres lois (art. 77). Renseignez-vous auprès des groupes d’appui, ou auprès d’une avocate ou d’un avocat, afin de savoir quels recours sont les plus avantageux pour vous.
Une fois la plainte déposée, la CDPDJ se charge de faire toute la lumière sur les circonstances et sur les faits dont vous vous plaignez (art. 78). La personne qui s’occupera de votre dossier dispose de pouvoirs d’enquête étendus qui lui permettent de rechercher tous les éléments de preuve pertinents. À cette fin, elle peut interroger les parties (l’employeur, la personne harcelante et la personne harcelée) et leurs témoins, exiger des documents et tout ce qui lui semble essentiel pour faire la lumière sur les faits que vous avancez. Si elle estime qu’il est inutile de poursuivre l’enquête ou que la preuve recueillie est insuffisante pour établir qu’il y a eu discrimination ou harcèlement dans votre cas, elle peut fermer votre dossier en vous avisant de sa décision par écrit.
Quoique la CDPDJ ait le devoir de donner suite à votre plainte, elle doit se comporter équitablement envers toutes les parties; l’enquête doit donc être menée sans préjugé ni parti pris.
De plus, la CDPDJ peut tenter en tout temps au cours du traitement de la plainte d’en favoriser le règlement à l’amiable. Les parties (la personne salariée et l’employeur) peuvent alors être invitées à participer à une médiation.
Attention! Si une offre de règlement vous est transmise, mais qu’elle ne vous satisfait pas ou que vous n’êtes pas certaine ou certain de ses conséquences, vous n’avez aucune obligation de l’accepter. Par contre, si vous la signez, elle devient finale et sans appel. Avant d’accepter une entente, il est donc très important de consulter pour en connaître la valeur et pour savoir si cette entente ne vous fera pas perdre d’autres recours! Entrez en contact avec un groupe d’appui ou avec une avocate ou un avocat.
La CDPDJ peut aussi vous suggérer de soumettre votre litige à l’arbitrage. Pour qu’il ait lieu, il faut que les deux parties (vous et votre employeur) acceptent de le faire. La Commission désigne alors une personne qui agira comme arbitre et qui, après avoir entendu les deux parties, prendra une décision. Cette décision est finale et sans appel. Sachez également que l’arbitrage se fait aux frais de la Commission et que dès que l’arbitre a été désigné, la Commission n’est plus impliquée dans le processus.
Si aucun règlement à l’amiable n’est intervenu et que les parties ont décidé de ne pas soumettre leur litige à l’arbitrage, la CDPDJ peut proposer des mesures de redressement, en tenant compte de l’intérêt public et de celui de la victime. À titre d’exemple, elle peut proposer l’admission qu’un droit a été violé, la cessation de l’acte reproché, l’accomplissement d’un acte réparateur (par exemple, la réintégration à l’emploi ou une lettre d’excuses) ou le paiement d’une somme d’argent pour compenser la perte de salaire subie ou à titre de dommages moraux, dans un délai qu’elle détermine. La CDPDJ n’a toutefois pas le pouvoir d’obliger la personne ou l’entreprise qui a accompli les actes de discrimination ou de harcèlement à se soumettre à ses recommandations.
Enfin, la CDPDJ peut choisir de s’adresser au Tribunal des droits de la personne afin d’obtenir toute mesure appropriée contre la personne fautive ou toute mesure de redressement en faveur de la victime. Elle n’y est cependant pas obligée. La décision du Tribunal étant exécutoire, il sera alors possible de forcer la personne fautive à la respecter.
C’est donc la CDPDJ qui intentera les procédures judiciaires au nom de la victime devant le Tribunal des droits de la personne, et une avocate ou un avocat de la CDPDJ plaidera sa cause. Le Tribunal des droits de la personne peut imposer des mesures de redressement : par exemple, il peut ordonner la réintégration d’une personne qui aurait perdu son emploi ainsi que le paiement de dommages (salaire perdu, dommages moraux et exemplaires).
Si la CDPDJ refuse de saisir le Tribunal des droits de la personne de votre dossier, ce qui arrive malheureusement souvent, elle doit vous en aviser par écrit (art. 84 alinéa 1). Dans certains cas très rares, vous pouvez décider de poursuivre vos démarches judiciaires en exerçant vous-même un recours devant le Tribunal des droits de la personne ou en retenant les services d’une avocate ou d’un avocat à cette fin. Vous aurez besoin d’un document écrit dans lequel la CDPDJ indiquera qu’elle a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas donner suite à votre plainte. De plus, vous devrez agir dans les 90 jours suivant la réception de la décision de la CDPDJ (art. 84 alinéa 2). Par ailleurs, la CDPDJ devra vous donner accès à votre dossier qui contient tous les éléments relatifs à l’enquête effectuée (art. 85). Même si la CDPDJ refuse de saisir le Tribunal de votre plainte et que vous ne rencontrez pas les critères pour saisir vous-même le Tribunal, vous conservez votre droit d’exercer un recours devant les tribunaux de droit commun, soit la Division (Cour) des petites créances, la Cour du Québec ou la Cour supérieure, selon le montant réclamé (voir le chapitre II « Le Code civil du Québec et le travail »).
Notez enfin qu’il est possible de porter en appel une décision défavorable du Tribunal des droits de la personne en s’adressant à la Cour d’appel, dans les 30 jours suivant la date du jugement (art. 133). Parlez-en à votre avocate ou avocat, le cas échéant.
Si vous subissez des représailles de la part de votre employeur parce que vous avez porté plainte, rendu témoignage ou pris part à une enquête de la CDPDJ, celle-ci peut s’adresser au Tribunal des droits de la personne pour faire cesser ces agissements, ordonner une compensation monétaire et exiger votre réintégration au même poste (art. 82). Pour plus de détails, renseignez-vous auprès de la CDPDJ.